L'alimentation pour sportifs est efficace. À condition d’y entraîner votre estomac et vos intestins.
C’est un fait incontesté depuis des décennies : l’apport de glucides est crucial pour soutenir les performances dans les épreuves d’endurance. Il existe même une corrélation étroite entre la quantité de glucides ingérée et le degré d’amélioration effective qui résulte de la prise de glucides. Attention cependant, ce n’est pas la règle « plus il y en a, au mieux c’est » qui prévaut. Pour des efforts maximaux d’une durée de 1 heure à 2h30, il ne sert à rien de dépasser 60 grammes de glucides car l’excédent ne fournira aucun avantage supplémentaire. Pour des efforts plus longs, la limite supérieure se situe à 90 grammes. Mais quiconque réduit sa ration de glucides va renoncer à une part de bénéfice potentiel.
Nombre d’athlètes d'endurance, même au niveau professionnel, ne réussissent pourtant pas à assimiler ces doses optimales. Les coureurs cyclistes sont avantagés à cet égard car il leur est généralement assez facile de manger et de boire assis sur leur selle de vélo. Mais c’est plus difficile dans la course à pied, car le contenu de l'estomac est constamment secoué. En conséquence, toute alimentation solide ou boisson ingérée pèse plus longtemps sur l'estomac. C’est pourquoi de nombreux athlètes d'endurance sont confrontés à des problèmes gastro-intestinaux, tels que régurgitations acides, ballonnements, diarrhée, flatulence, vomissements ou crampes abdominales. Il convient donc toujours de rechercher un compromis entre l'ingestion d’un apport suffisant de glucides (60 à 90 grammes par heure), et la nécessité de réduire au minimum le risque de troubles gastro-intestinaux.
Ce compromis commence par l’élaboration d'un plan de nutrition personnel. En réalité, la manière dont vous ingérez votre dose de glucides ne va rien changer à vos performances. Peu importe que vous l’absorbiez en consommant une boisson isotonique pour sportifs ou une boisson énergétique, ou via des gels ou des barres énergétiques et d'autres aliments solides, ou diverses combinaisons de ces produits. Seule compte la dose proprement dite, ainsi qu’un bon confort gastro-intestinal pendant votre entraînement ou votre compétition. Une dose de glucides de 30 grammes équivaut plus ou moins à 1 flacon (500 ml) de boisson isotonique pour sportifs ou à 250 ml de boisson énergétique, 1 gel ou 1 barre énergétique. Mais elle peut tout aussi bien être absorbée en consommant par exemple deux tranches de pain d'épices ou 1 grande banane mûre (pas verte !).
N’oubliez cependant pas qu’outre des glucides, vous devez aussi absorber de l’eau et du sel (sodium), et ce encore plus lorsque l’épreuve a lieu sous de fortes chaleurs – mais c’est une autre histoire. Si vous optez pour des gels ou des barres énergétiques ou d’autres aliments solides, vous devrez alors certainement ajouter un apport d’eau supplémentaire.
Il est aussi très important que votre plan de nutrition personnel fasse lui aussi l’objet d’un entraînement. C’est la condition sine qua non pour que votre estomac et vos intestins s’y accoutument. Autrement dit, si vous ne pratiquez la nutrition sportive qu’en compétition, et non pendant les entraînements, vous allez au-devant de problèmes. De manière analogue, les participants à ce que l’on pourrait appeler les « concours de goinfrerie » (qui consistent par exemple à avaler le plus grand nombre possible de Big Mac en une heure) entraînent aussi leur estomac à absorber un maximum de nourriture en un minimum de temps, bien plus qu'une personne normale ne le pourrait jamais. Cet exemple est évidemment très éloigné du plan nutritionnel du sportif d'endurance. Mais il illustre le fait que votre estomac et vos intestins peuvent bel et bien être entraînés ! Vous pouvez leur apprendre à absorber plus rapidement les liquides et les sucres. Vous ne devez donc pas vous contenter d’élaborer votre plan nutritionnel, vous devez aussi entraîner votre organisme à l’adopter, et il en résultera une amélioration pratiquement garantie de votre confort gastro-intestinal.
Comment s’y prendre concrètement ? Vous pouvez par exemple apprendre à courir ou pédaler avec un estomac bien rempli en absorbant de temps à autre des (trop) grandes quantités d’eau en cours d’entraînement, ou bien en consommant un repas juste avant de vous entraîner. De cette manière, votre estomac apprend à se vider plus efficacement dans l’intestin grêle, à partir duquel les sucres peuvent alors être absorbés dans le sang. Vous pouvez aussi exercer vos intestins à absorber les sucres de manière plus efficiente, par exemple en programmant régulièrement une longue séance d’entraînement d’endurance durant laquelle vous testerez la totalité de votre plan nutritionnel de compétition (à raison de 60 à 90 grammes de glucides par heure). Sans oublier que vous pouvez également tester votre plan lors d’une compétition de moindre importance.
À quelle fréquence faut-il donc « entraîner » son plan nutritionnel ? Il n’existe en fait pas encore de recommandations scientifiques claires à cet égard. Les instructions sont donc davantage fondées sur l'expérience. Une fréquence de 1 entraînement d’endurance par semaine, durant lequel vous appliquez soigneusement votre plan nutritionnel, et ce pendant 1 à 2 mois, semble généralement bien fonctionner pour améliorer le confort gastro-intestinal.
En résumé : établissez votre plan nutritionnel et entraînez régulièrement votre estomac et vos intestins à l’adopter. Mais rien ne vous empêche d’ajuster régulièrement votre plan nutritionnel pour atteindre un confort gastro-intestinal encore supérieur. Ou même d’adapter votre plan de manière flexible au cours d’une compétition, en fonction de vos sensations sur le plan gastro-intestinal. En effet, le stress et la déshydratation sous de fortes chaleurs peuvent poser des problèmes. Quelles que soient les collations offertes gratuitement par l’organisateur lors de l’approvisionnement, il est toujours préférable d’utiliser vos propres produits riches en glucides afin de vous conformer à votre plan nutritionnel personnel.
Jeukendrup AE. Training the gut for athletes. Sports Medicine.