Le jeûne intermittent : la nouvelle clé de la réussite pour perdre du poids ?
Le surpoids et l’obésité constituent un problème croissant dans notre société. Ces situations étant associées à des problèmes de santé, de plus en plus de personnes recherchent des méthodes efficaces pour perdre du poids. Différentes méthodes d'amaigrissement font l’objet d’engouements successifs. Parmi ces méthodes, une approche relativement nouvelle est le jeûne intermittent. « Intermittent » signifie qu’à certains moments, la personne consomme une très grande quantité de nourriture, pour ne plus s'alimenter – c.-à-d. jeûner – pendant d'autres périodes prolongées. Mais cette méthode est-elle réellement efficace pour perdre du poids ? Et est-ce bien une stratégie raisonnable pour les sportifs ?
Le jeûne intermittent est un nom générique qui regroupe différents régimes comportant des périodes durant lesquelles plus aucun aliment n'est absorbé. La personne jeûnera par exemple une journée entière tous les deux jours, ou consommera chaque jour son apport alimentaire total en l’espace de quelques heures. L’exemple le plus connu du jeûne intermittent est le Ramadan : durant cette période, les pratiquants ne sont autorisés à manger qu'entre le coucher du soleil et le lever du soleil, ce qui les oblige donc souvent à jeûner la majeure partie de la journée.
Sur le plan pratique, le jeûne intermittent peut impliquer de sauter un repas, qui sera la plupart du temps le petit déjeuner. Ainsi, le premier repas de la journée sera par exemple pris à midi, et le dernier à 20h au plus tard. À l’intérieur de ce créneau horaire, on pourra pour ainsi dire consommer tous les aliments souhaités, mais en dehors de ce créneau, seules les boissons dépourvues de calories sont autorisées (eau, café, thé ou boissons light). Aucun autre aliment n'est admis. Toutefois, il existe de nombreuses variantes : ainsi, dans certains cas, le jeûne sera observé pendant des jours entiers, alors que l’on pourra manger durant d'autres jours. Les avantages et les inconvénients du jeûne intermittent sont résumés dans le tableau ci-dessous.
Le concept qui sous-tend le jeûne intermittent est identique au principe qui régit tous les autres régimes : absorber chaque jour une quantité de calories inférieure à la quantité de calories consommées, afin de créer ainsi un déficit énergétique. En effet, la période prolongée durant laquelle vous ne mangez rien surcompense la période plus courte durant laquelle vous mangez beaucoup. De ce fait, sur une période de 24 heures, un déficit énergétique apparaîtra effectivement, conduisant inévitablement à une perte de poids. Différentes études scientifiques étayent ce constat : dans ses diverses variantes, le jeûne intermittent entraîne effectivement un déficit énergétique et constitue donc à ce titre une méthode d'amaigrissement efficace.
Mieux que les autres régimes ?
Selon les partisans du jeûne intermittent, outre la perte de poids, cette méthode serait également associée à plus d'avantages en termes de santé, comparativement aux autres méthodes. En effet, des modifications métaboliques apparaitraient sous l'effet de ce régime, qui auraient un effet favorable sur la santé. Ainsi, le jeûne périodique entraînerait une baisse de la tension artérielle et du cholestérol, et réduirait le risque de développer un diabète de type II. De fait, les études confirment l’idée que le jeûne intermittent induit de tels effets, mais elles montrent aussi que les mêmes effets s’observent également avec les autres régimes axés sur une limitation classique de l'apport énergétique. Cela indique que ce n’est pas tant la stratégie du jeûne intermittent, mais simplement la perte de poids qui en résulte qui est à l’origine de ces processus favorables. Le jeûne intermittent – sous toutes ses formes – n’est donc à cet égard nullement supérieur aux autres régimes.
En outre, des études récentes ont livré une première indication ténue, à savoir qu'en dépit de la perte de poids, le jeûne intermittent peut même entraîner des problèmes de santé à long terme. Il pourrait par exemple avoir un effet négatif sur le fonctionnement du pancréas (et donc également sur la libération d’insuline). Selon les chercheurs, cet effet pourrait accroître le risque de développer divers problèmes de santé, dont le diabète de type II. La prudence est donc de rigueur avec ce type de régime.
Enfin, d'aucuns affirment parfois que la perte de poids résultant du jeûne intermittent induit uniquement une perte de masse graisseuse, tandis que la masse musculaire se maintient. Ce principe s’opposerait donc à ce que l’on observe avec les régimes qui limitent l'apport énergétique de façon classique, pour lesquels la perte de poids totale inclut souvent une perte d'environ 25 % de la masse musculaire. Or, ces affirmations concernant le jeûne intermittent ont été infirmées par diverses observations scientifiques : de fait, même lorsque la perte de poids résulte d’un jeûne intermittent, une part non négligeable de cette perte correspond à une diminution de la masse musculaire. Vu sous cet angle, le jeûne intermittent n'est donc pas supérieur aux autres régimes pauvres en calories.
Le jeûne intermittent chez les sportifs
Sur la base des connaissances actuelles, nous pouvons donc conclure que le jeûne intermittent constitue en effet une méthode permettant de perdre du poids. Cependant, cette stratégie n'est pas à recommander aux sportifs qui souhaitent perdre du poids. En fait, comme mentionné plus haut, le jeûne intermittent induit comme bon nombre d'autres régimes une diminution de la masse musculaire. Le maintien de la masse musculaire étant un élément crucial pour de nombreux sportifs, il est préférable qu’ils aient recours à des méthodes qui limitent autant que possible la perte musculaire ; or, cela nécessite un apport en protéines suffisant et bien étalé tout au long de la journée (voir le blog précédent consacré à ce thème). De plus, pour assurer une récupération et une progression d'entraînement optimales, le moment de la prise alimentaire par rapport à l’effort est un élément très important. En effet, jeûner durant les périodes proches de l’effort peut notamment induire des déficits énergétiques, ce qui nuit à la qualité de l’entraînement. De même, les éléments constitutifs et les apports énergétiques pourraient devenir insuffisants pour assurer une bonne récupération. Du reste, les études consacrées aux performances sportives des athlètes qui observent le Ramadan montrent que cette forme de jeûne intermittent entraîne plus de fatigue, une humeur plus maussade et davantage de stress. Au vu de ces conclusions et compte tenu du risque de réduction de la masse musculaire, il est déconseillé aux sportifs d’opter pour ce type de régime amincissant.
En résumé
À l’instar de nombreux autres régimes, le jeûne intermittent constitue un moyen de perdre du poids à court terme. Toutefois, cette stratégie ne paraît sous aucun aspect être meilleure que les méthodes existantes limitant l'apport énergétique de façon classique ; certaines données indiqueraient même qu’elle pourrait nuire à la santé. Il convient donc d’évaluer attentivement les avantages et inconvénients afin de déterminer si le maintien à long terme de cette stratégie est bénéfique pour la santé. Quoi qu'il en soit, cette approche ne paraît pas la plus idéale pour les sportifs. Ces derniers doivent opter pour un régime qui favorise le maintien de la masse musculaire et qui synchronise judicieusement l'apport alimentaire avec les périodes proches de l’effort, une approche qui s'avère bénéfique pour une récupération et une progression optimales.
Références
-
1. Seimon RV, Roekenes JA, Zibellini J, Zhu B, Gibson AA, Hills AP, Wood RE, King NA, Byrne NM, Sainsbury A. Do intermittent diets provide physiological benefits over continuous diets for weight loss? A systematic review of clinical trials. Molecular and Cellular Endocrinlogy, vol 418(2), p153-172, 2015.
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0303720715300800 -
2. Schubel R., Nattenmuller J., Sookthai D, et al. “Effects of intermittent and continuous calorie restriction on body weight and metabolism over 50 wk: a randomized controlled trial.” The American Journal of Clinical Nutrition, vol. 108, no. 5, pp. 933-945, Nov 2018.
https://doi.org/10.1093/ajcn/nqy196 -
3. Headland M, Clifton PM, Carter S, Keogh JB. Weight-Loss Outcomes: A Systematic Review and Meta-Analysis of Intermittent Energy Restriction Trials Lasting a Minimum of 6 Months. Nutrients, vol 8(6), nr 354, 2016.
http://www.mdpi.com/2072-6643/8/6/354 -
4. Tinsley GM, La Bounty PM. Effects of intermittent fasting on body composition and clinical health markers in humans. Nutrition Reviews, vol 73(10) p661-674, 2015.
https://academic.oup.com/nutritionreviews/article-abstract/73/10/661/1849182?redirectedFrom=fulltext -
5. Horne BD, Muhlestein JB, Anderson JL. Health effects of intermittent fasting: hormesis or harm? A systematic review. The American Journal of Clinical Nutrition, vol 102(2), p464-470, 2015.
https://academic.oup.com/ajcn/article/102/2/464/4564588 -
6. Chaouachi A, Leiper JB, Chtourou H, Aziz AR, Chamari K. The effects of Ramadan intermittent fasting on athletic performance: Recommendations for the maintenance of physical fitness. Journal of Sport Sciences, vol 30(1), p53-73, 2012.
https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02640414.2012.698297 -
7. Bonassa ACM, Carpinelli AR. Intermittent fasting for three months decreases pancreatic islet mass and increases insulin resistance in Wistar rats. 20th European Congress of Endocrinology, Barcelona, 2018.